Noyau dur

16 Janvier 2016

Par ce frais et lumineux samedi d'hiver, s'aventurer dans le centre de Zagreb ressemble à proprement parler à un périple intéressant... Jour de marché, farniente caractérisant la fin de semaine qui remplace les journées laborieuses, promenades et shoppings... Jusque-là, rien d'atypique. Pourtant, chaque samedi, entre 11:00 et 14:00, dans cette capitale croate, il se produit un phénomène socioculturel véritablement unique en son genre et il lui est même attribué un nom: "špica" qui signifie "noyau".

Au croisement de deux rues piétonnes, sur quelques centaines de mètres carrés seulement, se regroupent jeunes et moins jeunes et sirotent chaque week-end plus de 6.000 tasses de café. Défilés de mode en tout genre: du street style le plus extravagant, à des looks ennuyeusement identiques, en passant par des longs manteaux en fourrure défraichie et acquis dans un autre siècle et contexte, de dames sortant de chez leur coiffeur... Voilà l'occasion d'exhiber ses nouvelles lunettes de soleil, alors que celui-ci se fait agréablement discret, ou bien de refaire le monde ou juste un point sur sa semaine ou sa nouvelle relation amoureuse. On observe et on commente. On se retrouve, on se quitte et on se dit à la semaine prochaine

Non loin de là, une cinquantaine de platanes centenaires du parc de Zrinjevac veille sur tout ce beau monde. Véritables cathédrales vivantes, s'élançant haut dans le ciel, ils sont les gardiens immuables de cette ville de l'Est. Sobres et silencieux, cerne après cerne, saison après saison, enracinés jusque dans le centre de la Terre, ces arbres sont les témoins muets de périodes turbulentes et traumatisantes, de systèmes instables et corrompus, et de déchirements ou rassemblements géopolitiques... Malgré tout, ils résistent, outrepassent les obstacles, gagnent en splendeur et en beauté avec le temps qui passe, et sont comme des poutres soutenant une ville en perpétuel changement.